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Mener des projets au sein du gouvernement du Canada, épisode 1 : Améliorer la gestion de projet au gouvernement du Canada, avec Roch Huppé (TRN3-P01)

Description

Dans cet épisode du balado intitulé Mener des projets au sein du gouvernement du Canada, Roch Huppé, contrôleur général du Canada, donne son point de vue sur la manière de mieux gérer les projets au gouvernement du Canada.

Durée : 00:42:42
Publié : 16 décembre 2019
Type : Balado


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Mener des projets au sein du gouvernement du Canada, épisode 1 : Améliorer la gestion de projet au gouvernement du Canada, avec Roch Huppé

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Transcription : Mener des projets au sein du gouvernement du Canada, épisode 1 : Améliorer la gestion de projet au gouvernement du Canada, avec Roch Huppé

Pablo Sobrino : Mon nom est Pablo, Pablo Sobrino. Je suis un membre distingué de l'École [de la fonction publique du Canada] et je suis ici pour faire une entrevue avec vous sur la gestion de projet.

Roch Huppé : OK merci. Je suis Roch Huppé, évidemment, et je suis contrôleur général du Canada. Ça me fait vraiment plaisir d'être ici aujourd'hui avec vous.

Pablo Sobrino : Parfait, alors je vais me lancer dans les questions.

En tant que champion en gestion de projet, pourquoi diriez-vous que la gestion de projet est importante?

Roch Huppé : Vous savez quoi? La gestion de projet est partout, ou presque. Il s'agit d'une série d'activités que nous menons dans le cadre d'initiatives importantes, et, nous l'oublions parfois. Peu importe ce que nous faisons; s'il s'agit d'une transformation, d'un élément à l'ordre du jour que nous devons mettre en œuvre ou auquel nous devons nous attaquer; d'un investissement à grande échelle auquel nous devons faire face; les fondements de la gestion de projet s'appliquent.

Si, de toute évidence, vous n'êtes pas rigoureux ou que vous ne connaissez pas suffisamment la gestion de projet, je pense que vous mettez votre entreprise en danger. On a prouvé, de toute évidence, que dans ces organisations qui investissent dans une gestion de projet étoffée et qui s'assurent que les gens ont une bonne compréhension, il y a un lien direct avec cette capacité et il y a essentiellement un gaspillage d'argent. Ainsi, notre approche est très importante et je considère la gestion de projet comme la façon de faire.

Pablo Sobrino : Eh bien, c'est génial. Nous allons donc passer en revue certains outils que vous avez mis en place pour permettre aux gestionnaires de projets du gouvernement à gérer ces responsabilités.

Nous connaissons tous des projets qui n'ont pas tenu leurs promesses et qui ont obtenu des résultats décevants. D'après votre expérience avec des projets antérieurs, quelles sont selon vous les causes les plus courantes d'échec d'un projet?

Roch Huppé : C'est qu'on est trop optimiste dans ce qu'on veut faire. Vous avez souvent, probablement, remarqué si vous demandez à quelqu'un de vous montrer comment son projet va, s'il est après d'implanter une initiative importante...

Souvent vous regardez ses fameux « dashboard » (tableaux), puis vous allez voir que tout est vert. Déjà là, on se pose la question. Moi quand je regarde un tableau et ça me dit que tout est vert; déjà là, les petits avertissements apparaissent. Justement, ce qu'on ne fait pas bien, c'est vraiment de s'assujettir à une fonction de « challenge » (remise en question) qui est réel. Et puis on le fait sur papier. On le fait pour « cocher la case ». Cocher une case pour dire qu'on le fait, on met en place certains systèmes, sauf que souvent, l'objectif n'est pas atteint.

C'est-à-dire qu'il ne donne pas le vrai portrait, ou il n'offre pas une remise en question qui est vraiment objective. Puis, on se retrouve justement dans des situations, où on pense que tout va bien puis ce n'est pas toujours le cas.

C'est vraiment dangereux. Puis, c'est difficile de s'assujettir à des remises en questions qui sont vraiment réelles parce qu'évidemment, on n'aime pas ça. On n'aime pas se faire dire qu'on est passé à côté ou, peu importe, qu'il y a quelque chose qui ne va pas bien. Aussi, souvent cela découle d'une gouvernance qui n'est pas tout à fait correcte ou qui n'est pas tous a fait optimale pour assurer une remise en question efficace.

Évidemment, la gouvernance se doit d'inclure les joueurs qui sont importants, les joueurs clés, les gens qui sont touchés par l'initiative. Et puis souvent, je vous dirais que la gouvernance est probablement la place, l'endroit où on coche le plus de cases, où on dit qu'on a un comité de ci, un comité de ça, sans vraiment regarder l'efficacité et les résultats offerts par ce comité. C'est-à-dire : souvent, il y a des discussions lors de ces comités. Souvent, les discussions ont lieu, des recommandations qui sont faites, mais « oups », les recommandations ne sont pas appliquées par les gestionnaires de projet, par l'équipe qui fait la prestation. Encore là, c'est beau d'avoir des comités, c'est beau que ces gens se rencontrent, mais il faut s'assurer que les recommandations formulées et le processus de remise en question sont vraiment utilisés pour améliorer nos chances de succès.

L'autre chose que j'ajouterais pour conclure, c'est que souvent, on met l'accent sur la mauvaise chose. C'est-à-dire qu'on livre quelque chose, et souvent, ce sont des éléments complexes, évidemment. Puis, au fil du projet ou de l'initiative, la seule chose qu'on a en tête — et je l'ai vécu; je l'ai fait moi aussi — c'est : supposons que l'on conçoit un système, à un certain moment dans la conception, on commence à avoir de petites craintes selon lesquelles le système ne sera pas prêt. Puis, notre objectif, c'est vraiment de respecter des échéanciers, de respecter la fameuse date à laquelle il faut absolument avoir un système. On commence même par couper des coins ronds. Puis, on se dit qu'on va le réparer plus tard.

Ce n'est pas toujours incorrect d'enlever des choses, de décoder, comme on dit. Mais il faut comprendre l'impact des décisions qu'on prend. Ainsi, on se retrouve à un stade où on oublie les bénéfices qui sont anticipés par le fameux projet. On met ça de côté. Puis, on met souvent l'accent sur les mauvaises choses, on évalue mal les risques aux différents stades de notre initiative parce que les risques changent au fil [du temps].

Souvent ces projets-là sont des projets qui sont mis en œuvre sur plusieurs années. L'environnement change, l'évaluation de risque devrait être refaite à mesure qu'on avance et on oublie de revalider. On a fait ça au début, mais on oublie de revalider. Je pourrais parler d'autres choses qui mettent aussi un projet en péril, mais je pense que vous avez une idée des grandes lignes ou ce qu'on prend des décisions sans comprendre l'impact sur les objectifs anticipés d'un projet.

Pablo Sobrino : Dans la communauté des sous-ministres, sur quoi porte la conversation des inquiétudes des projets?

Roch Huppé : Premièrement, je pense que le monde des sous-ministres tout le monde comprend l'importance de s'assurer qu'il y a une bonne capacité au niveau de la gestion de projets. Ceci dit, c'est tous des gens qui sont occupés; souvent quand on est occupé, évidemment on coupe les coins ronds dans certaines choses.

Je pense qu'il y a une reconnaissance grandissante; par contre, dans le domaine de la gestion de projet qu'il faut prendre le temps de bien le faire.

Ceci dit, mes inquiétudes sont vraiment... c'est une inquiétude qui vise à m'assurer que la communauté des gens — où on peut dire « senior » (hauts dirigeants), les sous-ministres, même les sous-ministres adjoints — comprennent vraiment bien leurs rôles et responsabilités pour assurer que les projets à l'intérieur de leurs organisations soient bien gérés et livrés.

Ça, je ne suis pas certain... Par exemple, et puis je m'inclus là-dedans : que chaque sous-ministre ou chaque haut fonctionnaire, comprend comment remettre en question un projet et en quoi consiste ce rôle.

Je ne suis pas certain que ces gens-là comprennent vraiment l'importance de créer une gouvernance qui va leur apporter les informations dont ils ont besoin pour qu'ils puissent prendre des décisions. Comme je disais tantôt, évidemment quand on reçoit un tableau qui est toujours vert, il faut commencer à se poser des questions.

Puis cela, on le dit, cela arrive fréquemment. Il arrive fréquemment, puis on a tendance à dire : « Mais, oh my God, j'ai une équipe du tonnerre ». Encore là, avec nos rôles et responsabilités en tant que hauts fonctionnaires et la capacité qu'on a, je ne suis pas certain que l'on comprend tout ce qu'on devrait faire, et comment on doit le faire. On se fie beaucoup aux gens qui nous entourent, on se fie beaucoup à l'information qui nous arrive, mais il faut s'assurer que l'information soit la bonne.

En tant que sous-ministre, on veut vraiment parler des cas complexes, parler des difficultés réelles pour essayer de trouver des solutions et de ne pas, passer à côté de ces discussions. Vous devez entreprendre les discussions difficiles.

Puis je pense que, si je disais ce qui m'inquiète un peu, c'est vraiment de s'assurer qu'on a les bonnes mesures en place et les bons mécanismes pour que les gens à différents niveaux aient les bonnes discussions.

Pablo Sobrino : La Stratégie de gestion de projet, qui a été approuvé par le Conseil de gestion et de renouvellement il y a quelques années, a sensibilisé le public à l'importance des pratiques de gestion de projet et a mis en lumière les problèmes de capacité à tous les niveaux dans le domaine de la gestion de projet du gouvernement du Canada. Des progrès ont été réalisés et l'un des éléments clés de la stratégie qui donnera les résultats les plus importants pour le gouvernement du Canada est l'introduction de nouveaux instruments stratégiques sur la planification et la gestion des investissements et la gestion des projets et programmes. Que pouvez-vous nous dire sur cette nouvelle politique et directive? Et à votre avis, cette nouvelle politique peut-elle régler les choses?

Roch Huppé : Donc, tout d'abord, je suis extrêmement fier d'annoncer que nous avons remanié plusieurs de nos politiques au Bureau du contrôleur général et que certaines de nos politiques clés se situaient dans le domaine de la planification des investissements. Je suis très heureux de dire que les ministres du Conseil du Trésor ont approuvé notre première phase le 11 avril dernier.

C'est pourquoi nous avons cette nouvelle politique globale sur la planification et la gestion des investissements qui, essentiellement, est une politique de surveillance et une politique globale. En vertu de cela, nous avons une série de directives. À titre d'exemple, nous avons notre première directive qui a été approuvée sur la gestion des projets et des programmes. Ensuite, nous aurons une série de directives révisées concernant l'approvisionnement et les biens immobiliers, et ainsi de suite.

La raison pour laquelle c'était très important pour nous, c'est qu'il y a un lien entre plusieurs de ces activités. Ainsi, au lieu d'attaquer, des projets ou des investissements à grande échelle d'une manière très verticale, nous voulions nous assurer que les gens s'y prennent de façon très horizontale. Par conséquent, lorsque vous parlez d'un projet à grande échelle, il s'agit habituellement d'une approvisionnement complexe. Il est donc crucial de vous assurer que vous mobilisez votre expertise en matière d'approvisionnement dès le début d'une discussion, et non à la fin de celle-ci. De la même façon que nous avons transformé le monde de la gestion financière il y a 10 ans, en reconnaissant l'importance de mettre sur la table les dirigeants principaux des finances très tôt, car il y a habituellement des décisions et des stratégies de financement cruciales qui doivent être discutées. Encore une fois, j'espère que cette politique globale nous permettra de nous assurer que les liens sont établis entre les activités clés de la gestion de projet.

Maintenant, je tiens à dire que les politiques ne règlent pas tout. C'est vrai. Comme je le dis toujours, nous (SCT) pourrions rédiger un certain nombre de politiques. Si les gens ne comprennent pas. Si les gens ne les appliquent pas et n'en voient pas la valeur, il n'y aura aucun changement.

Pour nous, j'espère qu'en plus de ces politiques, ce que nous essayons de faire, c'est vraiment de sensibiliser les gens à ces nouveaux outils, les sensibiliser à l'importance de la gestion de projet et faire en sorte que les gens reconnaissent la valeur ajoutée de ceux qui ont certaines qualifications, certaines références en gestion de projet. Nous espérons que l'époque où quelqu'un avait un projet très complexe à réaliser, où vous vous tourniez vers votre personne très brillante et lui disiez : « Pourquoi ne le faites-vous pas sur le coin de votre bureau, en plus de votre travail quotidien? » J'espère que ces jours sont révolus. J'espère qu'on reconnaîtra, comme nous l'avons fait il y a 10 ans avec les dirigeants principaux des finances, qu'il y a des gens qui possèdent les titres de compétence nécessaires et qui ajouteront de la valeur et assureront le succès de ces projets à grande échelle. Cela signifie qu'il faut avoir une communauté, des gens qui se mobilisent, des gens qui ont une vision de ce que devrait être la gestion de projet, et qui ont la formation adéquate pour les différents niveaux des personnes.

Pablo Sobrino : Alors, quels sont les avantages attendus de la nouvelle politique et directive? Autrement dit, quel changement espérez-vous voir?

Roch Huppé : J'espère vraiment voir un niveau de rigueur et de reconnaissance quant à l'importance de la fonction d'un gestionnaire de projet qui va être beaucoup plus accru.

Je ne suis pas naïf, dans le sens que je ne m'attends pas à ce que ça soit là demain matin. Quand on a adopté le modèle du dirigeant principal des finances, nous avons pris plusieurs années. Puis nos politiques poussent l'identification d'un haut dirigeant dans les organisations qui va être reconnu comme l'expert dans ces domaines. Ainsi, des gens devront travailler avec nous comme j'ai dit, votre job ça va être de pousser la vision et à vendre, d'une certaine façon, l'importance de l'activité en tant que telle, puis les différentes compétences requises pour ces personnes.

Une plus grande rigueur... j'espère qu'un des bénéfices de cela sera le développement d'une capacité qui va être reconnue, et puis la reconnaissance de la valeur ajoutée d'avoir des bons processus en place avec des gens qui sont compétents dans le domaine. Puis, comme je disais tantôt, l'importance que les gens reconnaissent leurs rôles et responsabilités, parce qu'il y a plusieurs acteurs qui sont touchés dans la prestation d'un programme important ou d'une transformation. C'est donc important que ces gens-là comprennent bien leur rôle.

Puis, j'espère qu'il va y avoir un accent notable. Puis ça, j'espère que ça va arriver beaucoup plus rapidement.

Quand on regarde un fameux tableau, on regarde 3 choses en général. On regarde si le projet respecte l'échéancier, on regarde s'il respecte la portée si je peux dire, et puis on regarde s'il respecte le budget. C'est les 3 choses qui définissent vraiment si le projet y est sur la bonne voie.

Il y a 2 choses très importantes qui devraient s'ajouter. C'est vraiment la notion de risque. Est-ce que les risques sont évalués de façon continue? Et puis, la notion de bénéfices. La définition de bénéfices, et puis je donne un exemple. Quand j'étais à l'Agence du revenu du Canada (ARC), on avait un processus pour évaluer les bénéfices à la fin du projet. Quand on a mis en œuvre le projet, on regardait — et c'était correct — si après 1 ou 2 ans, si vraiment les bénéfices anticipés étaient atteints. C'est ce qu'on avait défini au début du projet, ce qu'on pensait que les bénéfices seraient. Puis après la mise en œuvre, on venait vérifier si les bénéfices étaient atteints. Mais pendant ces années, et ces projets prenaient plusieurs années, on prenait des décisions qui pouvaient souvent altérer, d'une certaine façon, la nature du projet. Mais on ne se posait jamais la question de ce qui arrive avec les bénéfices anticipés.

Ce que j'aimerais voir c'est vraiment — puis la notion de gestion des bénéfices dans le monde de la gestion de projet, c'est vraiment le « in thing » (la tendance), si je peux dire et avec raison — de façon continue de regarder quand on prend des décisions, quelle est l'incidence sur nos bénéfices?

Et puis, ça se peut qu'on dise qu'on change nos bénéfices anticipés — c'est correct, mais il faut au moins prendre conscience de l'incidence de nos décisions sur les bénéfices anticipés.

Pablo Sobrino : La nouvelle politique énonce donc des responsabilités nouvelles et élargies pour les cadres supérieurs qui, dans l'ensemble, constituent l'auditoire de ce balado, et qui parrainent des projets et des programmes et permettent la réalisation de projets dans leur organisation. Selon vous, quels sont les principaux éléments que les cadres supérieurs doivent savoir au sujet de la politique?

Roch Huppé : Autour des administrateurs généraux, on voit clairement de ce qu'ils sont responsables. Ils sont responsables d'éléments tels que la mise en place de la gouvernance appropriée. Ils sont responsables de la désignation d'un parrain de projet. Il leur incombe maintenant d'envoyer à cette personne une lettre de nomination décrivant les rôles et les responsabilités de ces parrains.

Nous essayons donc d'amener les gens à le faire parce que nous voulons qu'ils reconnaissent clairement leurs responsabilités et leurs rôles, leurs rôles respectifs dans ces projets. Nous espérons que les cadres se rendent compte qu'il y a une différence entre l'exécution et la prise en charge d'un projet qui touche strictement votre organisation et des projets de nature très horizontale, et qu'ils ont l'obligation de mener les bonnes consultations et qu'ils intègrent dans leurs modèles de gouvernance les personnes qui ont une incidence sur la question.

Nous voulons donc nous assurer que les cadres supérieurs comprennent qu'ils doivent jouer un rôle de leader, que l'élément de gouvernance est essentiel et que nous ne sommes tout simplement pas dans un monde où il faut cocher les cases. C'est ce qu'a révélé la vérificatrice générale dans le cadre de la vérification de Phoenix. Partout dans la vérification et ce qu'il a dit, c'est que dans bien des cas, la forme dépassait le fond de la question. Il y avait donc la forme — et malheureusement, nous sommes très doués pour cela au gouvernement. Nous ne voulons pas aller à l'encontre de la politique. On prend la politique et on commence à cocher les cases, d'accord?

Encore une fois, j'espère que nous ne le faisons pas sous l'angle de la forme, mais que nous y donnons de la substance. Une gouvernance agile et qui pourra être ajustée à mesure que le projet évolue et qui nous donne les avantages escomptés de la gouvernance.

Par exemple : l'établissement d'un point de contrôle de projet, qui fait partie de votre fonction de remise en question. La barrière fonctionne-t-elle? Maintenant, je ne dis pas ça pour essayer d'enfermer les gens, et je ne veux pas que les gens disent : « Ho ouais, regarde ce qu'il a dit. Ainsi, nous ne voulons plus être flexibles, on essaie d'être agiles. » Le contrôle de projet ne signifie pas que vous n'êtes pas agile. Il signifie que vous avez un système en place, un cadre, qui vous donnera des points de contrôle afin de remettre en question et de contester un projet, et de vous assurer que si vous devez changer quelque chose, l'ajuster ou l'adapter, ou si quelque chose de nouveau entre en jeu, que vous le fassiez trop tard ou non. Vous pourrez ainsi trouver rapidement les problèmes et être assez agile pour y faire face au fur et à mesure.

J'ai parlé de la gestion des avantages sociaux et de son importance. Évidemment, l'autre élément clé dont je veux parler, ce sont les leçons apprises. Je veux m'assurer que les cadres supérieurs comprennent que, lorsqu'ils se lancent dans un projet, ils devraient examiner ce qui se passe sur le terrain, ce qui a fonctionné ou non, et ce que nous devrions tirer des leçons de ces autres projets.

Pablo Sobrino : J'ai maintenant une question très précise, dont j'ai entendu parler. Les gens se demandent ce qu'on attend vraiment d'eux en ce qui concerne les rôles et les responsabilités du haut fonctionnaire désigné. Il s'agit en quelque sorte d'une nouvelle idée. Quel est ce rôle et qu'attendez-vous de ce poste?

Roch Huppé : Donc pour moi, ce rôle est très important. Je tiens à dire à ces gens est qu'ils sont là pour nous aider. Aidez le SCT, m'aidez. Je suis essentiellement le champion désigné pour cette communauté, mais aidez-moi et aidez-nous à faire en sorte que notre vision soit bien comprise; à s'assurer que les gens comprennent l'importance de la gestion de projet, de ce qui doit être en place.

C'est ce que nous avons fait avec les directeurs financiers. Je dis toujours qu'il y avait le premier directeur financier. C'est faux de dire que cette personne est entrée en comprenant parfaitement son rôle. Il a occupé ce rôle et il a observé d'autres sous-ministres adjoints (SMA) autour de la table de gestion qui ont probablement dit : « Eh bien, que pensez-vous que ce comptable va venir faire dans mes affaires? » Je me répète, mais son rôle était de définir la vision, de faire comprendre qu'il serait très utile et d'ajouter de la valeur à ces autres directions. J'espère donc que ces hauts fonctionnaires désignés détiennent certains titres de compétence et qui, de toute évidence, comprennent l'importance d'avoir les bonnes compétences lorsqu'ils exécutent des projets et d'autres grandes initiatives. Ces personnes sont donc là pour s'assurer que chaque organisation voit l'importance d'investir dans la gestion de projet, qu'elle voit l'importance d'avoir de véritables fonctions de remise en question et qu'elle voit l'importance de mettre en place les bons cadres.

Nous sommes donc très doués pour concevoir un plan d'investissement pour les ministères. C'est ce que nous avons fait. Trop souvent, on le prend et on le met sur une étagère. Ce sont nos investissements clés, mais nous devons nous assurer que nous sommes prêts à dire comment nous allons mettre en œuvre ces investissements importants. Avons-nous les bonnes ressources en place?

Une fois de plus, le haut fonctionnaire désigné aura des responsabilités clés dans le renforcement de la capacité interne. Par conséquent, dans le renforcement de la capacité du gouvernement du Canada. Il jouera un rôle clé en matière de gestion de projet. Établissement de la vision. Définir les responsabilités et les rôles pour ces projets et s'assurer que les gens comprennent bien. Évaluer les capacités de leurs organisations et leur véritable capacité à s'attaquer à ces projets. Si la capacité n'existe pas, l'organisation doit le comprendre et mettre en place un plan qui permettra d'accroître cette capacité. Ils seront donc en quelque sorte mes yeux et mes oreilles; ils sont en quelque sorte les gens qui m'aideront à concrétiser cette vision.

Pablo Sobrino : En d'autres mots, vos champions dans les  ministères.

Roch Huppé : Exactement. Elles s'inscrivent dans le prolongement de mon rôle pour l'ensemble du gouvernement.

Pablo Sobrino : Alors, que fait le Conseil du Trésor pour aider les ministères à mettre en œuvre ce nouvel ensemble d'instruments?

Roch Huppé : Bon. On essaie d'être utile.

Pablo Sobrino : Comme toujours. Comme toujours.

Roch Huppé : Oui, comme toujours. C'est ce que le monde pense. Ce qu'on essaie de faire c'est vraiment de s'impliquer à plusieurs niveaux.

On sait qu'une politique est une politique. Mais je pense que ce que les gens cherchent aussi, c'est des documents additionnels qui vont donner soit un petit plus d'information ou les aider à les guider dans leur cheminement. On conçoit des aide-mémoire sur différents sujets. Par exemple, on parle souvent de la gouvernance, mais qu'est-ce qu'une bonne gouvernance? J'aime mieux de donner des petits conseils pour essayer de m'assurer qu'ils comprennent bien, puis d'appuyer justement les hauts dirigeants qui devront le faire.

On a une entente avec l'institut de gestion de projets (Project Management Institute), comme tout le monde le connaît ou PMI. Ils ont plusieurs guides pratiques, qui peuvent être utilisées. Ces guides vont être mis à la disposition des fonctionnaires.

Mais, je pense que le plus important c'est qu'on veut développer la communauté, de rester engagé et d'inciter les gens à se réunir. J'ai fait, par exemple, déjà une présentation devant la communauté aujourd'hui. On sent un engouement des participants de vouloir créer cette communauté. Il y a de plus en plus de gens qui s'impliquent. Si la communauté est forte, la fonction en tant que telle va s'améliorer d'une façon continue.

Pour terminer, on travaille avec l'École pour s'assurer que les besoins en formation sont respectés. On veut essayer de redéfinir les formations plus traditionnelles données aux gestionnaires de projets.

Il y a plusieurs acteurs clés dans ce domaine. On veut s'assurer que les formations soient mieux adaptées pour ces personnes.

Pablo Sobrino : Dans le cadre des efforts visant à améliorer la gestion des projets à l'échelle du gouvernement du Canada, il a été dit que nous devons bâtir une culture axée sur les leçons apprises.

Selon vous, que pouvons-nous apprendre des expériences antérieures en matière de gestion de projets majeurs ou complexes dans la fonction publique?

Et je sais que vous avez déjà donné quelques exemples, mais comment pouvons-nous bâtir cette culture de laquelle nous voulons tirer des leçons?

Roch Huppé : J'espère donc que nos politiques aborderont cette notion de leçons apprises de façon beaucoup plus rigoureuse. Et nous avons imposé certaines exigences. Par exemple : vous devez documenter tout au long de votre projet les leçons que vous avez tirées de ce projet, de votre entreprise.

Il est important de le souligner, et nous l'avons imposé pour ne pas nous contenter de parler des leçons tirées d'un projet qui n'a pas été couronné de succès. Mais quelles sont les leçons tirées de ces projets qui ont été couronnés de succès? Nous disons souvent : « Oh, nous devons apprendre notre leçon quand il y a un échec quelque part. » Ce que nous faisons; croyez-moi, nous le faisons! Cela dit, nous devrions jeter un coup d'œil, nous devons examiner les leçons que nous devrions tirer de ces projets et des organisations qui sont plus matures en gestion de projet.

Et nous avons ces exemples; nous avons les meilleures pratiques dans la région de la capitale nationale (RCN) dans différents domaines. Je pense au ministère de la Défense nationale, qui a un programme d'entraînement très rigoureux. Ils ont des partenariats avec l'Université d'Ottawa, qu'ils offrent des certifications; mais ils ne mettront jamais un nouveau gestionnaire de projet dans un projet très vaste et complexe. Il y a un peu d'observation qui se fait, ils prennent cela très au sérieux. Nous avons aussi l'ARC qui a un système de contrôle qui, à mon avis, est très efficace pour assurer un examen critique adéquat.

Nous devons donc tirer des leçons de ce qui se passe dans la RCN, non seulement au gouvernement, mais aussi à l'extérieur de celui-ci.

Les principales leçons que j'ai apprises, évidemment, c'est que j'ai parlé de cela, c'est de privilégier la forme au fond. Nous devons arrêter de cocher la case. Nous devons nous assurer que lorsque nous remettons en question, ce n'est pas ce que je l'appelle du « moi à moi », tel que : « Oh Roch, vous faites un excellent travail. Continuez à le faire. » Mais c'est en fait quelqu'un d'objectif qui n'hésiterait pas à me dire que je fais un travail vraiment merdique et je sais que ce n'est pas toujours facile à accepter, mais nous devons absolument le faire.

L'un des principaux problèmes était la planification. Nous ne faisons pas assez de planification. Nous passons à l'exécution pour différentes raisons. L'une de mes bêtes noires, c'est que nous avons des processus au sein du gouvernement du Canada et ils ne nous permettent pas toujours de faire les choses convenablement. Nous avons des processus en vertu desquels chaque demande de financement nécessite un formulaire de 2 pages pour décrire votre projet. Je dis toujours : « Vous savez quoi, ce n'est pas toujours comme s'il y avait des personnes que savez qu'ils ont très bien fait votre planification. Puis, vous arrivez au stade où vous êtes prêt à demander du financement et vous avez d'excellents coûts en place. » Mais ce n'est pas toujours le cas. Et parce que ces processus font partie de toute demande de financement, il arrive parfois que l'établissement des coûts ne soit pas parfait, il y a des projets pluriannuels. Soyons honnêtes à ce sujet. Je vous donne un exemple : vous pensez parfois à ce que vous allez demander dans le budget. Nous avons tous réuni les plus grands esprits au cours de l'été, au début de l'automne, pour déterminer ce que le ministre va demander; je ne dis pas que c'est toujours comme ça, mais j'ai vu cela se produire. J'en ai entendu parler. Vous allez user les 2 téléavertisseurs pour nos chers amis du ministère des Finances en essayant de les convaincre. Vous dites que ce serait formidable d'avoir de l'argent pour ce système. Alors, combien ça va coûter? Vous mettez à profit les plus grands esprits, vous faites votre analyse rapide, vous la mettez dans la grosse boîte noire. Et ensuite, si vous n'avez vraiment, vraiment pas de chance, vous obtenez l'argent, non? Ensuite, vous commencez votre planification, votre véritable planification, puis vous dites : « Oh, ça ne va pas coûter 72 millions de dollars. C'est quelque chose de complètement différent. »

Je me répète, mais pour moi, la planification est essentielle; il faut parfois 1 an et demi pour planifier quelque chose, d'envisager différentes options et de mener une analyse des options réelles. Souvent, nous ne menons pas d'analyse des options réelles. Nous allons vers la solution escomptée, c'est-à-dire la solution que nous désirons, sans vraiment envisager d'autres options. Et c'est un excellent exemple.

Pablo Sobrino : C'est bien. C'est un très bon exemple.

La nouvelle politique et la directive fournissent une nouvelle orientation en matière de projet conjoint. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet? Alors, on parle des projets plus complexes.

Roch Huppé : Absolument. Puis je pense qu'on a fait, on s'est vraiment assuré de mettre l'accent sur cette notion parce qu'on s'est rendu compte que souvent les projets qui semblaient les plus difficiles étaient vraiment plus complexes puisque c'était des projets beaucoup plus horizontaux en nature et qui mobilisaient beaucoup d'acteurs différents.

Encore là, l'importance de reconnaître. Puis, on sait que ces organisations offrent des services à certaines autres organisations. Quand ils conçoivent des outils, on a tendance à dire : « Écoute, il faut qu'on livre selon un certain échéancier »  et ainsi de suite. On oublie justement de considérer vraiment les besoins de nos clients. Donc, ce que les nouvelles politiques tentent vraiment de faire, c'est de mettre l'accent sur l'importance de mobiliser les gens qui sont touchés par ces projets. Autant au niveau de la planification, de la gouvernance, du partage de l'information et ainsi de suite. Selon moi, s'il y a un endroit où il faut apporter beaucoup d'améliorations, c'est dans ce domaine.

Je ne vous cacherais pas que c'est difficile. Je siège à un comité; en fait, je copréside un comité pour un de ces projets qui touche beaucoup de gens, avec un de mes collègues. Puis, je vais vous dire que ça nous a pris, quand même, beaucoup de temps à finaliser la gouvernance parce qu'on voulait s'assurer justement que les bons acteurs étaient assis à la table, mais aussi qu'on avait la vraie information qui devait parvenir au comité pour qu'on puisse voir le portrait réel et avoir les discussions réelles sur l'état du projet, puis des mesures qu'on doit prendre pour gérer les risques qui vont se matérialiser lors du projet.

Toute cette notion de rôles et de responsabilités. On a aussi la notion qu'on doit créer ce qu'on appelle un conseil principal de projet pour gérer ces projets-là. Encore là, ces gens qui vont siéger à ces comités vont devoir entériner le choix du parrain de projet et ainsi de suite. Ainsi, il faut s'assurer que les gens comprennent bien leurs rôles et responsabilités quand ils siègent à un comité qui donne de la direction pour un projet très horizontal.

Pablo Sobrino : La question que je me demande c'est; quel est le rôle des autres fonctionnaires désignés que vous avez identifiés et qui travaillent aux ministères pour ces projets complexes horizontaux?

Roch Huppé : L'importance pour eux, c'est vraiment de comprendre quand ils sont le responsable désigné, l'agent principal désigné, ils doivent vraiment comprendre qu'ils jouent un rôle clé dans la mobilisation des gens touchés.

C'est-à-dire que la gouvernance... C'est bien beau d'avoir un comité de sous-ministre que va la gérer, mais la gouvernance qui va être sous ces comités doit aussi refléter la réalité que c'est un projet horizontal. Donc, bâtir les relations nécessaires avec les joueurs clés... Évidemment, on va s'attendre que cette personne, la personne désignée principale, va jouer un rôle clé. Mais elle doit aussi comprendre qu'on ne s'attend pas à ce qu'elle soit seule là-dedans. La personne va avoir du soutien. Puis je m'attends de cette personne, comme je disais au début, qu'elle soit en mesure de faire prendre conscience aux gens touchés de leur propre imputabilité et de leur responsabilité dans le projet.

Ce qu'on veut éviter, c'est de dire qu'il y a une personne qui devient complètement responsable, peu importe si le projet se déroule bien ou mal. Je pense que l'important dans ces projets qui sont horizontaux, c'est vraiment que ces gens fassent comprendre aux personnes touchées qu'ils aient des responsabilités et une imputabilité, et qu'on s'attend à ce qu'ils fassent partie du processus décisionnel lié à la gestion de certains problèmes et ainsi de suite. Vraiment, c'est le regroupement de tous les intervenants clés et importants, pour la prestation d'un projet.

Pablo Sobrino : La collaboration et la mobilisation des parties prenantes sont évidemment des thèmes clés de cette politique. Comment la politique et l'orientation appuient-elles la collaboration aux projets et aux programmes aux échelons les plus élevés du gouvernement? Comment mobiliser tout le monde?

Roch Huppé : Je crois que j'en ai parlé un peu. Je pense qu'il faut commencer par le bon modèle de gouvernance. Je pense que si vous avez la bonne gouvernance en place, cela favorisera cette collaboration et je pense que nous devons être agiles.

La collaboration s'accompagnera d'un processus de consultation très transparent. J'ai vu trop souvent, d'après mon expérience, ce que j'appellerais une fausse consultation. Nous rassemblons tout le monde dans une salle simplement pour leur dire que tout le monde est dans la salle, sans vraiment nous soucier de ce qu'ils ont à dire parce que nous avons l'esprit bien fixé sur la façon de mener ce projet; nous n'allons laisser personne nous distraire et mettre de nouveau en danger nos fameux échéanciers.

Je pense donc que la notion d'engagement des parties prenantes est essentielle. Mais encore une fois, il faut s'efforcer de mettre en place ces consultations et de choisir des gens dont nous savons qu'ils seront à la recherche de la vérité. Nous voyons une tendance lorsque nous mettons sur pied ces comités. Par exemple : si j'étais SMA responsable d'un comité que je veux mettre en place, je choisirai Pablo parce que c'est un gars formidable, qu'il m'aime bien et m'appuiera. Toutefois, je ne choisirai pas Helen, simplement parce qu'elle est difficile à côtoyer et critique tout le temps. Par conséquent, nous créons ces fonctions de remise en question et cette gouvernance, où vous n'obtenez pas toute la vérité. Je le répète, mais selon moi, la collaboration est essentielle à nos politiques, mais nous devrons nous efforcer de bien faire les choses, à nous assurer que nous avons les bonnes personnes et les bons intervenants à la table. Même si on n'aime pas Helen, Helen a besoin d'y être. Je dis toujours : « Si vous réussissez à convaincre Helen, vous savez, vous êtes probablement sur la bonne voie. » Tu sais que tu devrais souhaiter qu'Helen soit là, parce que cela te forcera à lui expliquer pourquoi elle a tort. Ensuite, elle sera d'accord ou cela vous forcera à faire face à un problème qui n'aurait pas été abordé par une autre personne. Je pense que la collaboration est essentielle, mais le fait est que nous devrons commencer à bien faire les choses, et je ne pense pas que nous en soyons tout à fait là.

Pablo Sobrino : La collaboration consiste donc à réunir tout le monde dans la salle, ceux qui sont d'accord et ceux qui sont en désaccord, pour convaincre les gens et promouvoir ce que vous essayez de faire.

Roch Huppé : Je pense que c'est d'avoir une collaboration continue. Il ne suffit pas de savoir... Combien de fois ai-je entendu dire : « À qui avez-vous parlé? », « Eh bien, j'ai parlé à ces [gens] et nous avons une réunion trimestrielle au cours de laquelle nous avons fait... »

Une réunion trimestrielle vous donne-t-elle toujours ce dont vous avez besoin? Parce que vous allez vous heurter à des problèmes pour lesquels vous devriez avoir accès d'une manière agile à votre comité de personnes qui vont essayer de vous guider, de vous fournir une orientation et de vous mettre au défi au moment opportun. Et pas après coup.

Encore une fois, avoir les bonnes personnes et des processus en place qui vous permettront d'avoir accès à cette gouvernance, au moment où vous en avez réellement besoin.

Pablo Sobrino : La politique et la directive sont fortement axées sur la réalisation d'avantages. Vous avez déjà parlé longuement sur ce sujet-là, mais comment la politique et la directive favorisent-elles la réalisation des avantages?

Roch Huppé : Premièrement, comme je disais tantôt, c'est un petit peu la tendance, la notion de gestion des bénéfices au niveau de la gestion de projets. Je pense que [c'est] avec raison, parce qu'on a tendance à mettre l'accent sur les 3 éléments qui ont toujours été fondamentaux pour nous, comme je disais tantôt. La notion de risque : il faut renforcer évidemment la notion de risque, mais aussi la notion de définition et de la mesure des bénéfices. Je pense, par le fait même, que la nouvelle directive met beaucoup d'accent sur cet aspect.

Puis je parlais tantôt de la documentation, des guides de pratique qu'on a mis à notre disposition grâce à PMI. La notion de gestion de bénéfices à l'intérieur de cette littérature est beaucoup (beaucoup) plus présente que dans le passé parce qu'on reconnaît que ce n'est pas parce tu livres un projet dans les délais et le budget prescrits que tu as obtenu le succès attendu.

Alors pour moi, ce qui est important c'est qu'il y ait un plan qui comporte des plans de gestion de bénéfices, puis que la gestion de bénéfices soit faite de façon continue à mesure que le projet avance. C'est facile de dire que dans le gouvernement on n'est pas trop bon pour ci ou cela, mais on livre des choses qui sont impensables, que le secteur privé ne peut même pas songer à livrer. On est complexe. On est gros. Et puis, ce n'est pas toujours des éléments aussi simples que les gens pensent. Donc, souvent ces projets s'échelonnent sur plusieurs années pour différentes raisons et l'environnement continue de changer pour toutes sortes de raisons. C'est fou de dire que même si on a pensé à cerner certains bénéfices liés à la mise en œuvre d'un projet, que 2, 3 ans plus tard ces bénéfices devraient possiblement être changés, dépendamment notre l'environnement. Le monde aujourd'hui bouge très rapidement. Si on prend 10 ans pour livrer un projet, les bénéfices attendus d'il y a 10 ans ne seront probablement plus les mêmes à la fin.

Il faut trouver une façon d'être plus agile pour répondre aux besoins et aux changements dans les bénéfices d'une façon plus continue. L'accent est là, puis quand on bâti un projet, ce serait bien de penser qu'une fois qu'on l'aura mis en œuvre, quelle sera notre capacité de faire les changements nécessaires pour que notre projet soit adapté à la réalité d'aujourd'hui pour qu'il continue de nous donner de la valeur? C'est bien beau de vouloir mettre en œuvre quelque chose, mais si on n'a aucun plan pour en faire la maintenance ou faire les améliorations nécessaires pour l'adapter, on va avoir un produit qui va être probablement désuet dans 2, 3 ou 4 ans.

Pablo Sobrino : L'accent de cette politique est mis sur les projets numériques. Cette politique a-t-elle la flexibilité nécessaire pour encadrer des projets numériques?

Roch Huppé : Je pense que oui et je pense que nous avons été capables de les simplifier, même dans le cadre de nos anciennes politiques. Mais je pense que les nouvelles politiques rendront les choses plus claires. Je l'espère, encore plus souple, mais nous avons manifestement intégré ces politiques.

L'approche du Bureau du dirigeant principal de l'information et l'orientation qu'il veut donner à ses activités en intégrant de toute évidence ses nouveaux rôles, responsabilités et obligations, et en s'assurant que les gens comprennent leur rôle... Et j'espère que nous pourrons reconnaître les rôles et les responsabilités de chaque acteur clé, mais j'espère que nous pourrons mobiliser les gens et leur faire comprendre cela.

Nous entendons tout le temps le mot « agile », ou qu'on peut adopter une gouvernance agile, ou des façons de mener une remise en question agile et continue dans un projet agile.

Ce que nous voulons aussi faire dans ces projets que les ministères essaient d'entreprendre, c'est de donner l'impression que nous faisons tous quelque chose, souvent dans des domaines similaires. Alors, comment pouvons-nous travailler ensemble.

Tout le monde a un système de gestion des cas. Je me souviens que lorsque j'étais à l'ARC, qui est un grand organisme, tout le monde voulait un système de gestion des cas et nous nous disions : « D'accord, attendez. Pourquoi ne pouvons-nous pas [les] utiliser? » Alors que nous commencions à mettre en place d'autres systèmes de gestion des dossiers, un des systèmes en cours d'élaboration pour la gestion de la dette nous forçait à prévoir un système de gestion des appels, ou autre chose. Ne pouvons-nous pas tirer parti de ce que nous sommes en train de mettre au point pour répondre aux 2 besoins? Je pense donc qu'il faut s'assurer qu'en investissant dans les données, nous le faisons judicieusement et que nous tirons parti de ce qui se passe.

Pablo Sobrino : Je veux dire que les petits projets d'un groupe devraient s'inspirer d'autres projets en cours d'autres groupes et voir s'il est possible de l'harmoniser et non de réinventer la roue.

Roch Huppé : Exactement ne pas réinventer la roue et s'assurer que nous avons réfléchi à certains de ces projets. Le monde du numérique évolue quotidiennement.

En réfléchissant à ce dont nous avons besoin aujourd'hui, nous devons commencer à penser et à concevoir ces éléments en fonction des besoins de demain, autant que possible. Si vous développez ce dont vous pensez avoir besoin aujourd'hui, votre initiative ne sera probablement plus assez bonne dans le futur.

Comment pouvons-nous y parvenir à mesure que nous planifions et que nous réfléchissons à la question à résoudre. Je pense qu'il est essentiel pour nous de soulever cette idée, de construire quelque chose pour demain.

Pablo Sobrino : Alors une dernière question. À votre avis, de quoi a-t-on vraiment besoin pour favoriser le changement et une gestion de projets éprouvés au sein du gouvernement du Canada?

Roch Huppé : Je pense qu'on a besoin de temps. Évidemment, si on pense qu'on va transformer parfaitement la gestion de projet, je pense qu'on se trompe.

On a besoin d'une communauté active qui va appuyer une vision commune de ce que devrait être une saine gestion de projet au sein du gouvernement fédéral.

Il faut que l'on conçoive des outils de formation adaptés aux différents acteurs. Pour ce faire, on a entamé des discussions, et pas uniquement avec l'École; mais il y a des modèles à suivre. Le gouvernement britannique qui a pris un virage important au niveau de la gestion de projets. Ils ont fait des investissements importants et ils ont reconnu que les hauts dirigeants devaient être formés. On va essayer de bénéficier de leur expérience.

Selon moi, la prise de conscience selon laquelle nous devons tous jouer un rôle clé dans la gestion de projet est un point marquant, tout comme la prise de conscience des intervenants concernant leur imputabilité et leurs responsabilités.

Comme je disais tantôt, le virage qu'on a pris au niveau de la gestion financière s'est fait sur plusieurs années et s'est concrétisé parce que les gens ont reconnu l'importance et la valeur ajustée d'inviter les experts à la table, mais aussi l'importance dans une saine gestion financière.

Je pense qu'il en va de même pour la gestion de projet. On va devoir s'assurer qu'ils reconnaissent la valeur ajustée de ces gens-là qui vont avoir une certification et expérience dans le domaine, mais aussi qu'ils ont un rôle crucial à jouer si on veut que la gestion de projet soit un succès au sein de nos organisations.

Pablo Sobrino : Parfait. Merci Roch, de la part de tous ceux qui vont être à l'écoute de ce balado et un gros merci parce que je pense que vous avez partagé des informations avec une honnêteté qu'on ne voit pas souvent.

Je suis vraiment ravi que vous appliquiez la politique plutôt que d'en parler. Je pense que c'est vraiment une bonne façon de partager cette information. Ce peut être un sujet lourd, mais je ne pense pas qu'il l'était. Merci!

Roch Huppé : Merci beaucoup! Merci beaucoup. Ce fut un plaisir d'être ici avec vous.

Crédits

Conférencier : Roch Huppé, contrôleur général du Canada , Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada

Animateur : Pablo Sobrino, Membre émérite, École de la fonction publique du Canada

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